BOOK POTEAUX FUNERAIRES Installation
à Dan
S’il est un savoir qui accompagne l’artiste c’est bien celui qui s’érige au lieu d’une mémoire à l’origine perdue. De cet immémoriel toujours véhiculé il agit qui accepte d’en être le passeur à condition de son insu, ou mieux encore, à reconnaître son insavoir.
» Et l’artiste qui expose connait cette ignorance. »
Combien faut-il aussi être artisane-façonnante pour présenter l’objet qui supporte cela ? Et faut-il que l’objet s’abandonne en ces mains qui l’exhorteront à prendre place parmi les Hommes, pour répondre à l’appel de la vacance que nul pourtant ne lui dispute ? Car qui saurait s’orienter à la lisière du vide et de la vie, et de la mort et puis du vide ?
Mais quel est-il ce vide qu’enserrent ces tubes qui se dressent et encore qui s’adressent ? Seules les mains qui s’y frottent, épiques, pourraient long nous en dire, sans passer par ces mots qui sans cesse et en vain en leur sein le conjurent.
Les traits et les figures, les ça et autres ci, surgissants égarés qui s’offrent à nos regards, témoignent à qui mieux mieux du fil du bord du gouffre où advient l’ordalie. Alors, par ces tubes,
de ceux qui s’y confrontent
à celle qui les façonne,
Saurez-vous rapporter au risque de votre perte l’intime de vos blessures,
Quand au prisme de sa geste la collection printemps extime sa brûlure ?
L’oeil qui parfois s’égare à se croire invicible, s’immisce dans le dédale et tente de rejoindre la cautérisation qu’il nomme liberté. Jamais on n’le retrouve et son aveuglement ne s’inscrit nulle part.
Ceci, autrement dit par un Giacometti qui évoque ce type de statuaire:
» La sculpture des Nouvelles-Hébrides est vraie, et plus que vraie, parce qu’elle a un regard. Ce n’est pas l’imitation d’un œil, c’est là bel et bien un regard. Tout le reste est support du regard. »
Oui sans doute, les oeuvres qui se donnent à voir aujourd’hui sont elles des déposes-regard qui permettent de rendre compte à soi même, d’évidence, combien d’évitements nous auront cru devoir dresser face à nos désarrois. A cet instant, tout autant debouts que ces tubes, instuments de notre chute, nous soutiendrons enfin nos figures rejettées.
Peut-être est-ce de cela qu’il est ici et ailleurs, maintenant et de toujours, question, la chute des corps à naître et à mourir. Chute à partir de laquelle les tubes de printemps nous enjoignent à un « se tenir debout » désormais habité d’un vide vidé de son fatum.
Cela s’appelle l’espace je crois.
Si vous êtes dans le mouvement de tendre le corps et pas seulement l’oreille, vous serez pris alors par la voix des tubes, une voix où l’espoir en aura cédé à l’espace, une voix inaltérable et retrouvée qui saura moduler son frayage au creux des plus fermés, une voix qui coordonne le lieu des à venir, une voix du partage qui nous révèle comment
L’espace fait vivre.
JTF, Paris le 20/03/2016